C’est la principale révolution du décret adopté le 13 mai 2016. Si la mesure reste facultative, le gouvernement ouvre la voie au prêt accordé en fonction de la valeur du bien. Le texte prévoit que les établissements bancaires pourront, dès le 1er juillet 2016, faire appel à un expert indépendant, chargé de déterminer le prix réel du logement, afin d’accorder le montant le plus exact possible à l’emprunteur. La pratique n’est pas nouvelle. Quelques rares établissements bancaires y recourent déjà.
Sur le sujet, les professionnels sont divisés. Si certains estiment qu’il est nécessaire de permettre à l’emprunteur de connaître la valeur réelle de son bien, d’autres craignent une exclusion des primo-accédants du marché immobilier, les jeunes acquéreurs disposant souvent de peu de marge de manœuvre lors de l’achat d’un premier logement.
Qu’il s’agisse des informations à fournir aux emprunteurs ou du contrôle de leur solvabilité, les contrats de prêt seront enrichis entre le 1er juillet 2016et ce jusqu’au 1er octobre de la même année. Un formulaire de demande de prêt précontractuel et standardisé arrivera à l’automne. En attendant, dès l’été, les banques présenteront dans les contrats "un exemple représentatif du montant total du crédit, du coût total du crédit pour l'emprunteur, du montant total dû par l'emprunteur et du taux annuel effectif global" ou encore "l'indication d'autres coûts éventuels supportés par l'emprunteur en lien avec le contrat de crédit qui ne sont pas compris dans le coût total du crédit", etc.
Des services de conseil aideront les particuliers dans leurs choix de contrats et devront préciser s’ils sont ou non indépendants. Des nouveautés qui préoccupent certains professionnels qui disposent de peu de temps pour être en règle. Ces derniers ne manquent d’ailleurs pas de rappeler que le système bancaire français a fait ses preuves et qu’il n’est nullement besoin de le sécuriser davantage.
Le mode de calcul du TAEG (taux annuel effectif global), ainsi qu’un encadrement de la publicité pour le crédit immobilier, entreront en vigueur le 1er octobre 2016. (Cliquez pour agrandir).
Si cette première réforme devrait être indolore pour la plupart des particuliers elle est la première étape d’un processus d’homogénéisation du secteur du crédit immobilier à l’échelle européenne. Le Comité de Bâle, organisme en charge du contrôle bancaire européen, a depuis quelques temps dans son viseur le système de distribution de prêts immobiliers français et ses spécificités.
Parmi les grandes décisions qui pourraient marquer un tournant, celle de passer des taux fixes aux taux variables. Les risques seraient ainsi portés non plus par les banques, mais par les acquéreurs. Une mesure qui, associée à la généralisation de la garantie hypothécaire, permettrait aux banques de doubler leurs fonds propres et résister à une éventuelle crise économique à venir. Mais comme le rappelle le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert "l'an dernier, notre taux d'impayés était le plus faible d'Europe, cinq fois plus faible qu'en Allemagne et quinze fois plus faible qu'au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie".
Le Sénat a déjà voté une proposition de résolution présentée par le groupe socialiste et adoptée à l’unanimité le 20 mai 2016pour protester contre les décisions des hautes instances européennes.
L’Assemblée nationale devrait en faire de même ce lundi 13 juin 2016. Un geste fort, mais dont l’impact auprès du Comité de Bâle demeure limité.
Ludovic Clerima